Pourquoi je ne mange pas mes potes (aka les poissons)
Je vais te dire un truc :
J’ai plus partagé de moments intimes avec des mérous qu’avec pas mal d’êtres humains.
J’ai vu des balistes me faire la gueule, des murènes m’adresser un clin d’œil torve,
et des poissons-clowns me toiser comme si j’étais l’intrus dans leur salon.
Et franchement…
Je peux plus les bouffer.
Petite déclaration d’amitié sous-marine
🐠 Plus qu’un steak : une rencontre
Quand tu plonges 2 000 fois dans ta vie, tu finis par tisser un lien étrange avec le monde sous-marin.
Les poissons, tu ne les vois plus comme des ingrédients.
Tu les reconnais. Tu les observes. Tu les respectes.
Tu les vois vivre, se protéger, se battre, draguer, élever leurs petits.
Tu vois un perroquet mâcher du corail comme un ado mâche son chewing-gum.
Tu vois un poisson-pierre te fixer avec le regard vide d’un vieux sage.
Tu vois un banc de fusiliers fuser comme une équipe de voltige aérienne.
Et là tu te dis :
“Attends… c’est eux que je foutais dans mon assiette avant ?”
🤝 De la friture à la fraternité
Un jour, j’ai eu ce déclic con mais puissant :
“Tu peux pas passer ta journée à les admirer… et ta soirée à les griller.”
Alors j’ai arrêté.
Je ne suis pas extrême. Je ne donne pas de leçon.
Mais je sais que mes potes à nageoires, je les préfère vivants.
Libres. Dans leur élément.
Pas en papillote.
🧘 Une éthique perso (pas un dogme)
Je ne mange plus de poisson.
Pas parce que c’est à la mode.
Pas pour faire le malin.
Juste parce que j’ai pas envie de croquer dans un ami.
Et je t’assure, quand tu croises le regard d’un poisson-ange qui te suit dans un canyon, ça fait un truc.
Tu sens le lien, pas la sauce citron.
💬 Et quand on m’invite ?
Je souris. Je remercie. J’explique si on me demande.
Mais je ne juge personne.
Parce que je sais que la plupart des gens ne savent pas.
Ils ne savent pas que le poulpe est plus intelligent qu’un chien.
Ils ne savent pas que les poissons ont une mémoire, des émotions, des liens sociaux.
Ils ne savent pas qu’on rase les océans avec des filets géants pour remplir une barquette de surimi.
Alors je n’impose rien.
Mais je témoigne.
🧂Et le goût dans tout ça ?
Tu veux du goût ?
Va goûter un bon Panang Kai chez Tata Samossa.
Ou un Cà Tím kho (aubergine caramélisée à la vietnamienne).
Ou un curry massaman aux patates douces.
Ou un “fishless fish” thaï fait avec du tofu fumé et des algues.
Le plaisir ne dépend pas de ce qu’on tue. Mais de comment on cuisine.
☠️ Et puis… on les empoisonne
Faut aussi dire les choses :
La mer, on l’a salement abîmée.
Entre les plastiques, les filets fantômes, les eaux usées et les hydrocarbures…
beaucoup de poissons sont aujourd’hui chargés en métaux lourds :
mercure, plomb, cadmium, PCB, j’en passe.
On croit se faire du bien avec “un bon poisson grillé”…
Mais en vrai, on croque dans un concentré de toxines, surtout pour les gros prédateurs (thon, espadon, etc.).
Alors franchement… les laisser vivre, c’est aussi se protéger un peu.
🌊 Un peu plus qu’un choix alimentaire
Pour moi, c’est un hommage.
À tous ces compagnons de plongée qui m’ont offert des instants magiques.
À ce requin-baleine croisé une fois, une seule, qui m’a fait pleurer dans mon détendeur.
À ces carangues qui m’ont enveloppé dans leur danse.
Et à tous les poissons anonymes, curieux, timides ou fiers, qui m’ont appris à ralentir, observer, respirer.
Alors non, je ne mange pas mes potes.
Et tu sais quoi ?
Ça me rend encore plus heureux de les retrouver, là-dessous, à chaque plongée.
Parce que je sais qu’entre eux et moi…
c’est clair. C’est propre. C’est respect.
“On protège ce qu’on aime. Et on aime ce qu’on connaît.”
— Jacques-Yves Cousteau (et Fab, un peu aussi)