16 Novembre 2025

Il y a sept ans jour pour jour, j’ai posé un sac à dos de soixante-dix litres sur un trottoir mouillé de Hanoi.

Tout ce que j’étais, tout ce qu’il me restait, tenait là-dedans : quatre slips, trois t-shirts, un jean, un iPhone, une GoPro, quelques bricoles.
Le reste, je l’avais laissé derrière moi, enterré quelque part en France avec vingt-cinq ans d’entrepreneuriat, des boîtes liquidées, un appartement sacrifié et un cœur en vrac.

Avant d’atterrir au Vietnam, j’avais cru, comme beaucoup, au deal implicite : si tu travailles dur, si tu restes droit, si tu crées de l’activité, le pays finira par te le rendre.
J’ai monté ma première boîte à vingt ans, puis une autre, puis encore une autre.
Toujours à fond, toujours en innovation, avec des équipes qui devenaient plus que des salariés : des gens qui partageaient mes galères, mes paris, mes insomnies.
Trente personnes, à la fin, qui faisaient partie de ma vie au quotidien.

Et puis l’État français a décidé d’entrer dans l’histoire.

Un lundi, un contrôleur fiscal débarque pour vérifier une de mes sociétés. J’ouvre les dossiers, je réponds à tout, j’essaie de garder le cap.
Le jeudi de la même semaine, ça frappe à nouveau à la porte : un deuxième contrôleur, pour une autre de mes start-up.
Deux contrôles fiscaux en parallèle, la même semaine, sur une petite TPE.
Pendant des mois, ils ont tout retourné : les factures, les contrats, la TVA, jusqu’aux mètres carrés de bureaux.

Au final, ils ont trouvé quelque chose :
un redressement d’environ 400 euros pour neuf ou onze mètres carrés de bureau non déclarés pendant six mois. Un veritable “Patron voyou” !!!
Il fallait bien justifier tout ce cirque.
Pour le reste, c’était clean.
Mais pendant qu’on comptait des mètres carrés, mes boîtes tombaient.
Liquidations, fins de contrats, trente personnes sur le carreau.
Tout ce que j’avais bâti patiemment était en train de s’effondrer.

Au milieu de ce chaos, il y avait aussi l’histoire de l’appartement.
Un T2 de quarante-six mètres carrés, dans un quartier sympa de Toulouse.
Rien d’exceptionnel sur le papier, mais pour moi, c’était énorme.
Les banques ne prêtent pas aux entrepreneurs, ou alors à contrecœur.
J’avais bataillé pour ce crédit, j’avais mis sur la table soixante mille euros d’apport personnel, péniblement économisés en m’arrachant pendant vingt ans.
Le prix total tournait autour de cent quatre-vingt mille euros.
J’avais enfin mon chez-moi. J’arrêtais de nourrir des propriétaires.
J’avais l’impression d’avoir gagné une petite bataille.

Moins de deux ans après, j’ai dû le revendre pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être.

Ce jour-là, ce ne sont pas que des murs que j’ai vendus.
C’est un bout de dignité, un projet de vie, l’idée qu’en France on peut encore s’en sortir en travaillant bien.

Comme si ça ne suffisait pas, après les deux contrôles sur mes sociétés, l’administration est venue me chercher, moi, en direct.
Là, on a changé d’échelle : des sommes astronomiques, six ou sept fois supérieures à ce que je devais réellement.
J’ai décidé de ne pas me laisser détruire gratuitement.
J’ai pris un avocat, mon père m’a aidé autant qu’il a pu, et l’histoire a traîné pendant cinq ans.
Cinq ans de procédures, de lettres recommandées, de rendez-vous, de stress.

Au bout de ces cinq ans, j’ai gagné !!!
Les chiffres sont retombés à leur vraie hauteur : quelques milliers d’euros (4000 € pour etre precis et non pas 131K€), loin du délire initial.
J’avais raison depuis le début.
On m’a “dédommagé” de 1 500 €.
Une somme ridicule, quand je sais ce que m’ont coûté l’avocat, les nuits blanches et l’usure intérieure.

Autour de ça, il y avait le reste, le plus violent : le décès de ma mère, des amis qui ont choisi d’en finir, des deuils en chaîne que je n’avais jamais vraiment eu le temps d’intégrer.

Ajoute à ça un associé vereu, que j’appellerai simplement JM, qui a disparu avec mes vingt mille euros censés payer mes parts sociales – l’argent que mon père lui avait avancé en plus ! – et tu obtiens un cocktail parfait pour faire plier un homme.
Je considère encore aujourd’hui qu’il me les doit.
Mais à l’époque, je n’avais plus la force de me battre sur ce front-là.

Au bout de la route, il ne restait plus grand-chose de moi.

Épuisement nerveux, injustices accumulées, deuils, trahisons, sentiment d’être broyé par un système qui ne voit même pas que tu existes.

J’étais à deux doigts de faire une connerie irréversible.

Et c’est là que quelque chose en moi a lâché : si je restais, je me détruisais.

Il fallait partir, loin, vite, autrement.

J’ai vendu ce que je pouvais, mis une vie entière dans un sac à dos de soixante-dix litres – quatre slips, trois t-shirts, un pantalon, un iPhone, une GoPro – et j’ai pris un billet pour le Vietnam.
Sans grand plan, sans business plan, sans vision à cinq ans.
Juste cette intuition : là-bas, j’aurai peut-être une chance de respirer à nouveau.

Hanoi m’a cueilli avec sa chaleur, ses klaxons, ses fils électriques enchevêtrés, ses trottoirs encombrés de scooters et de tabourets en plastique, ses odeurs de phở, de café, de pluie.
J’étais vidé, mais vivant.
Perdu, mais debout.

Au milieu de ce tumulte, j’ai croisé celle qui allait m’offrir ma première vraie bouffée d’air : une petite Honda Wind 110 cabossée, garée de travers au bord d’une rue.

Cadre griffé, plastique fatigué, selle éventrée, phare hasardeux : elle n’était pas plus fraîche que moi.
Je l’ai achetée 250 dollars.
Elle vibrait, freinait mal avec ses tambours rincés, n’aimait pas beaucoup le sac de soixante-dix litres sanglé à l’arrière avec des sandos qui soulevaient l’avant au moindre faux-plat.
Mais quand elle a démarré, j’ai senti que quelque chose repartait.

C’est JP, du Bar de la Lune à Toulouse, qui lui a trouvé son nom à distance.
En français, une moto, c’est une meule.
Mais cette bécane-là allait devenir ma conpagne de route. Ma meuf !
Alors il a lâché : “C’est ta Meufle.” Meule + meuf. Le nom était parfait, elle l’a gardé.

Le lendemain, j’ai pris la route du Nord.

Je n’étais pas seul longtemps.
Très vite, j’ai croisé Nico, un jeune Canadien, qui est devenu mon “buddy” sur un bout de route.
On a roulé ensemble jusqu’au lac de Ba Bể, avec ses eaux sombres et profondes entourées de collines couvertes de végétation, la brume qui traîne le matin au ras de l’eau, les barques qui glissent en silence.

Puis nous avons continué vers les chutes de Ban Gioc, en longeant la frontière chinoise, dans ces paysages irréels où les rizières collent aux reliefs comme des mosaïques vertes.

C’est là, près de Ban Gioc, que j’ai rencontré une vieille femme, petite, ridée, un fichu sur la tête, un regard qui te traverse.
Quand elle m’a regardé, j’ai reconnu, brutalement, les yeux de ma mère.
La même chaleur, la même douceur, la même tristesse au fond.
J’avais tenu bon pendant des mois, des années même.

Là, au milieu des montagnes vietnamiennes, en face de cette inconnue qui ne me devait rien, j’ai craqué.
Les larmes sont sorties toutes seules, sans traduction, sans explication.
Elle n’a pas posé de questions, n’a pas ri, n’a pas fui.
Elle a simplement posé sa main sur mon bras. C’est tout.

Ce geste a fait plus pour moi que des années de courriers administratifs : une première couture s’est faite à cet instant-là dans mon âme.

Après Ban Gioc, avec Nico, nous avons continué vers la vallée de Du Gia, puis Hà Giang, les routes qui serpentent sur les crêtes, les villages Hmong accrochés aux pentes, les rizières en terrasse qui grimpent jusqu’aux nuages.

Ma Meufle se plaignait souvent : un cliquetis inquiétant, une chaîne qui saute, un gicleur bouché. Pourtant, à chaque panne, un mécano surgissait de nulle part.
Un gars qui sort d’un champ, d’une cabane en planches ou de l’ombre d’un hangar, avec trois outils et la science mécanique dans les doigts.
Ça m’a rappelé le Maroc : au milieu de nulle part, dans le désert, tu te crois seul, puis quelqu’un apparaît, répare, sourit, et repart.
Au Vietnam, on n’est jamais totalement abandonné au bord de la route.

Sur le Ma Pi Leng Pass, un des cols les plus vertigineux du pays, une deuxième réparation intérieure a eu lieu.
Le paysage, là-haut, a quelque chose d’irréel : la route se faufile sur une arête au-dessus d’un canyon immense, une rivière turquoise tout en bas, des versants abrupts couverts de rizières et de pierres.
Ce jour-là, la brume roulait sur les crêtes, coupant par moments la vue, puis se déchirant comme un rideau.

Ils étaient deux, sur le bord de la route : un petit garçon et une petite fille en pull rouge.
Ils se sont approchés de la Meufle, intrigués par cette moto chargée comme un mulet et ce grand gaillard épuisé en blouson.
La petite fille m’a dévisagé longuement, sans gêne, avec une intensité désarmante.
On ne parlait pas la même langue, mais il y avait quelque chose de clair dans ce regard : une forme de curiosité pure, de douceur, de reconnaissance silencieuse.

Puis elle a souri.
Un sourire simple, lumineux, comme on en fait à huit ou neuf ans quand on ne sait pas encore tricher.

Entre la mamie aux yeux de ma mère à Ban Gioc et cette petite fille du Ma Pi Leng, j’ai senti que quelque chose en moi commençait vraiment à se recoller.

Les soirs, dans le Nord, je finissais souvent attablé dans une maison Hmong, autour d’un bol de riz et de grands éclats de rire, à boire la Happy Water, l’alcool de maïs des montagnes.
C’est brut, ça chauffe, ça rapproche.

Un soir, en me marrant trop fort, j’ai glissé du tabouret et je me suis retourné un doigt en essayant de me rattraper.
Ça m’a fait mal, mais cette douleur-là avait quelque chose de sain : j’étais à nouveau vivant, au milieu d’autres vivants.

La route m’a ensuite ramené vers la mer.
J’ai embarqué la Meufle sur un ferry pour Cat Ba, à l’entrée de la baie de Lan Ha, cousine de la baie d’Halong.
Des pains de sucre calcaires jaillissent de l’eau, les bateaux passent entre eux comme des insectes sur un lac de jade.

Plus au sud, j’ai découvert Tam Coc, que l’on surnomme la “baie d’Halong terrestre” : une rivière serpentant au milieu des rizières et des pitons rocheux, des grottes basses qu’on traverse en barque, des falaises qui se reflètent dans l’eau.

Là, une famille m’a ouvert sa maison, puis une autre. Tam Coc est devenue l’un de mes points de chute.
Aujourd’hui, quand j’y reviens, je ne suis plus un touriste : je suis celui qui revient, celui dont on se souvient et à qui l’on demande : “Alors, où t’a emmené la route cette fois-ci ?”

En descendant encore, je suis passé par Đà Nẵng, puis j’ai bifurqué vers Hội An.
Les façades jaunes, les lanternes, la rivière, les odeurs de café et de cuisine familiale. J’y ai trouvé Louis Villa et surtout Binh, qui m’accueille à chaque séjour comme si je revenais en famille.

Pour une dizaine de dollars la nuit, j’ai une chambre d’environ quarante-cinq mètres carrés, la clim, une grande baie vitrée, un balcon avec vue sur les rizières, et une piscine en bas dans un petit jardin calme.
Je suis exactement entre la plage d’An Bang et le centre historique. Le matin, je vois les champs verts s’ouvrir sous le ciel, j’entends un coq au loin, je bois un café sur le balcon. Binh glisse souvent quelques bananes, un morceau de gâteau, une petite attention qui te rappelle que tu comptes pour quelqu’un.

À Hội An, j’ai appris à travailler autrement.
J’ouvre l’ordinateur, je m’installe près de la piscine ou dans un petit café, et je pose des briques pour la suite, au calme. Ici, je ne suis pas en vacances : je suis chez moi, je bosse, je respire.

Plus au sud, la route m’a emmené à Dalat, avec ses pins, ses routes qui tournent dans la montagne, son air plus frais, puis à Mui Né, avec ses dunes et ses levers de soleil, le vent qui te fouette, le sable qui entre partout.

Plus bas encore, j’ai pris le bateau pour Phú Quốc, où j’ai rencontré Anne, qui tient une petite maison d’hôtes à son image : simple, chaleureuse, généreuse.
Pour six euros la nuit et même pas deux euros le repas, tu dors, tu manges et tu te sens à la maison. Quand je me suis déboîté le genou là-bas, c’est elle qui m’a soigné chaque matin, en m’apportant de la glace, de la crème, des conseils.
Elle veillait sur moi comme une grande sœur.

De retour sur le continent, je suis passé par Cần Thơ, dans le delta du Mékong.
C’est là, chez des “oncles” qui tiennent une chambre d’hôtes, que la Meufle a réellement commencé à s’éteindre. Le moteur faisait un bruit atroce.
Mon visa arrivait à son terme.
J’ai dû me résoudre à la laisser, là, dans leur cour, en me promettant de revenir vite.

La vie en a décidé autrement : le Covid a tout fermé, et des années se sont écoulées.

Quand j’ai enfin pu revenir à Cần Thơ, j’ai retrouvé la même maison d’hôtes, les mêmes sourires, la même gentillesse.
Dans un coin, sous un tas de choses et une couche de poussière, il y avait la Meufle, exactement là où je l’avais laissée.
Ils l’avaient gardée pour moi.
J’ai ressenti un pincement au cœur, comme en retrouvant une version figée de moi-même, celle d’avant la plongée, avant Koh Tao, avant tout ce que je suis devenu depuis.

Entre Tam Coc, Hội An, Phú Quốc, Cần Thơ, les montagnes du Nord, je me suis fabriqué une vie de nomade avec une collection de maisons.
Je n’ai plus d’appartement en France, mais j’ai des chambres, des balcons, des cuisines, des tables et des sourires qui m’attendent un peu partout au Vietnam.

Après ce premier grand voyage, j’ai dû quitter le pays pour une histoire de visa.

Je suis parti en Thaïlande, sans trop savoir ce que j’allais y faire.

Je ne connaissais pas Koh Tao. J’y suis allé un peu par hasard, j’y suis resté parce que quelque chose, là-bas, a fait tilt.
J’ai enfilé un masque, un gilet, une bouteille, et j’ai sauté à l’eau.

Sous la surface, plus de contrôleurs fiscaux, plus de lettres recommandées, plus de redressement ridicule sur neuf mètres carrés.
Juste le bruit régulier de mon souffle, les bulles qui montent, la lumière qui découpe les silhouettes des poissons, le ballet silencieux des bancs et des raies.
Un autre monde, dans lequel tu n’as d’autre choix que d’être présent à toi-même.

Je me suis mis à plonger, encore, encore, encore.

Puis à me former. À Koh Tao, j’ai rencontré Jess et Joe, qui font désormais partie de mes piliers. Avec Jess, on a partagé les plongées, les révisions, les briefings, les fous rires, les soirées un peu trop longues, les matinées difficiles où il fallait quand même aller à l’eau.

Pendant six mois, j’ai vécu dans un petit bungalow, avec un scooter pour rejoindre le bateau, les palmes qui sèchent devant la porte, les standards SSI et PADI étalés sur une table.

Je me formais pour devenir instructeur de plongée.

Aujourd’hui, avec presque 2 500 plongées derrière moi, je suis instructeur SSI et PADI.
Je passe une partie de l’année à emmener des gens sous l’eau, à leur apprendre à respirer autrement, à apprivoiser leurs peurs, à retrouver ce silence particulier des fonds marins.

Mon vrai salaire, c’est la tête qu’ils font quand ils ressortent : les yeux qui brillent, la mâchoire détendue, ce sourire énorme qu’ils ne contrôlent même pas.

En parallèle, la moto n’a jamais quitté l’histoire.
J’ai plus de quarante-cinq ans de guidon derrière moi.
La route, les pistes, les cols, les voyages au long cours font partie de mon ADN.
Avec le temps, j’ai fini par mettre des mots sur ce qui m’avait sauvé : le Souffle et la Boussole.

Le Souffle, c’est le mouvement, l’action, le corps qui repart, les kilomètres, les coups de kick, les marches de bateau, les remontées à l’échelle, les bulles qui montent.
La Boussole, c’est ce qui se réaligne dedans : l’instinct que tu réécoutes, l’intuition qui revient, la lucidité qui se pose, le fait de revenir à soi, doucement mais sûrement.

Je me rends compte que c’est presque une méthode, sans prétention : remettre le corps en mouvement pour laisser la tête et le cœur retrouver leur cap.

De là est née l’envie d’un Carnet de route intérieur – “Se reconnecter en mouvement”, un guide introspectif pour reconnecter le corps, l’esprit et l’instinct à travers la moto, la plongée et l’aventure vécue.
Pas un grand livre prétentieux, plutôt un fil conducteur, une trace, pour ceux qui sentent qu’ils étouffent et qui cherchent comment se remettre en route.

Et la France, là-dedans ?
Je l’aime profondément.
J’ai eu une enfance de gosse qui rentre tard parce qu’il est resté trop longtemps à faire du vélo dehors, pas parce qu’il a passé la journée sur un écran.
J’ai eu cette chance, je le sais.

Mais ce pays-là, celui que j’aimais, je le regarde aujourd’hui se fissurer de l’intérieur sous le poids de politiques absurdes, d’une classe dirigeante que je ressens comme une mafia de gens déconnectés, et d’un système qui préfère sanctionner, taxer, contrôler, plutôt qu’encourager et soutenir.
À mes yeux, il est déjà en train de s’abîmer, et je suis persuadé qu’il va s’effondrer beaucoup plus vite qu’on ne le pense.

Je n’ai plus envie de m’y faire broyer.

C’est pour ça que ma prochaine société – la dixième ou la onzième, je ne compte plus – sera thaïlandaise.
Ce sera la dernière.
Et elle ne sera plus construite contre moi, mais avec ce que je suis vraiment.

Aujourd’hui, je vis presque entièrement en Asie.
Entre le Vietnam et la Thaïlande, j’ai retrouvé une forme de liberté que je n’aurais jamais espéré.

J’ai toujours des amis très proches en France – Nené, Teuteu, Jean-Phi, Baptistou et quelques autres – mais j’ai recréé une famille de cœur ici : Jess, Joe, Tom, Binh, Anne, les “oncles” de Cần Thơ, les familles de Tam Coc, les plongeurs de Koh Tao, les motards croisés sur la route.
Une constellation de liens qui me tiennent debout.

Mon métier, maintenant, c’est d’accompagner des gens sur la route et sous l’eau.
Les emmener traverser le Vietnam à moto, grimper les cols de Hà Giang, longer les rizières, sentir ce que ça fait de se retrouver, casque sur la tête, au milieu de paysages qui dépassent l’imagination.
Les emmener plonger à Koh Tao, ou ailleurs – Philippines, Indonésie, demain le Pérou pour la moto, si quelqu’un a envie d’y aller et n’ose pas partir seul.
Mettre mes quarante-cinq ans de moto et mes 2 500 plongées au service de ceux qui ont besoin d’un compagnon de route, d’un guide, d’un instructeur, d’un grand frère.

Je ne prétends pas sauver qui que ce soit.
Je n’ai pas cette arrogance-là.
Mais je sais ce que c’est que de ne plus voir de sortie, de se sentir broyé par une vie qui ne te ressemble plus, d’avoir le souffle coupé.
Je sais aussi ce que la route et la mer peuvent faire quand tu acceptes de te laisser traverser par elles.

Alors je propose ça : venir rouler, venir plonger, venir se remettre en mouvement, doucement, à son rythme, avec quelqu’un qui est passé par là et qui ne juge pas.
Je ne promets pas des miracles.
Je promets juste d’être là, d’ouvrir la route, de tenir la sécurité, et de laisser l’aventure faire son travail.

La vérité, c’est que je n’ai jamais été aussi vivant, ni aussi heureux, que depuis ce jour où j’ai quitté une vie – et un pays – qui m’étouffaient pour enfourcher une petite Honda Wind de 250 dollars sur un trottoir humide de Hanoi.

Tout a commencé là, avec ma Meufle cabossée comme moi, une mamie aux yeux de ma mère, une petite fille en pull rouge au bord d’un col, un verre de Happy Water dans une maison Hmong, et cette idée folle mais simple :

Reprendre la route pour enfin revenir à moi.


Xin Chao / Sawadee kraaaaap !

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